Lundi 23 juin 2014, 01:30 pm
Gillette, Wyoming
Alors les mecs, vous vous éclatez bien avec la Coupe du Monde ? J’espère pour vous… Parce que pour moi, c’est disette, nada, que dalle…
Remarque, je savais bien qu’en déboulant dans un tel pays, je ne risquais pas de ressentir autour de moi un engouement démesuré pour cette compétition, et surtout ce sport, auquel l’américain moyen ne comprend absolument rien, et n’a pas envie d’en savoir davantage d’ailleurs…
Faudrait commencer par leur expliquer ce que c’est qu’une position de hors-jeu, du temps additionnel, et même leur faire rentrer dans le crâne qu’il est possible, sur cette Terre, d’en rester à un résultat nul entre deux équipes dans un sport, ce qui est le cas pour les matchs du premier tour du tournoi.
Parce qu’ici, il n’y a pas de place pour le partage, dans le sport comme dans le reste… Soit tu es en haut, un « winner » comme ils aiment à dire, soit t’es un naze et tu ne comptes pas, et te voilà « loser » de service…
Alors sortir d’un terrain de sport sur un score de parité, cela n’a pas de sens, vous pensez bien !
Ils sont cons en plus de ne pas s’intéresser, parce que leur équipe est plutôt bien partie jusque-là…
Je le sais, parce qu’heureusement, j’arrive quand même, de temps à autre, à suivre les résultats, même si ce n’est pas toujours simple… J’ai ainsi appris le résultat de France-Honduras avec un décalage horaire de deux jours ! Le même jour d’ailleurs où l’on a reçu un mail du CNED nous annonçant le passage en CM1 de Jules pour la rentrée prochaine…
Pour ceux qui me connaissent un peu, vous imaginez l’attente interminable, les nuits sans sommeil à faire les cent pas dans le « Ducon Motel » en me demandant quel a été l’issue du match, le nom des buteurs, et à quelle minute… Le supplice absolu !
Eh ben même pas mes braves amis… Je ne vais tout de même pas vous dire que je n’en ai rien à foutre de cette Coupe du Monde, mais pas loin… Ou alors peut-être que j’essaie de ne pas trop y penser, ni trop m’y imprégner, sachant que je ne peux pas la suivre comme il faut, j’entends comme un abonné à beIN Sport…
Donc je vais immédiatement arrêter de vous en parler, pour vous prouver à quel point je m’en tape de ces charlots qui courent après la baballe !
Et d’ailleurs, pour tous ceux qui, contrairement à moi, ont une dent, voire plusieurs, contre cette si magnifique compétition, j’ai la solution à votre problème. Et croyez-moi, c’est infaillible ! Et vous n’entendrez absolument plus parler de foot, même si l’envie vous en prend subitement…
C’est un peu la même épreuve de force que pour un pochtron qui part se soigner dans un centre de désintox à mon avis, enfin j’en rajoute peut-être un peu là… À ce propos, j’espère qu’on leur met au moins les matchs à la télé à ces braves gens, parce que si déjà on les prive d’un p’tit canon, je te dis pas l’angoisse s’ils n’ont pas droit aux éclairs de génie de Patrice Évra, que ce soit sur le terrain ou en salle de conférence…
Bon, bref… fais-toi les parcs nationaux du Montana, du Wyoming ou du Colorado et crois-moi, t’es peinard… Et puis tu en prends plein les yeux, même si tu ne peux pas comparer ça avec les inspirations sublimes de Lionel Messi, qui porte sacrément bien son nom, mais j’ai dit que je ne parlerai plus de foot à partir de maintenant…
Pourtant, la visite de « Glacier National Park » a commencé par une trahison, un peu comme celle qu’a dû ressentir le meilleur joueur du monde, Samir Nasri, lors de sa non-sélection pour le mondial (et merde, je remets ça…). Non mais c’est des conneries en plus… il n’a pas été trahi, il n’est peut-être tout simplement pas le meilleur joueur du monde, ni le plus futé non plus… et puis comme ça, il a droit à des grandes vacances !
De notre côté, c’était beaucoup plus sérieux, et injuste. Vous savez ce qu’on a osé faire ? On a laissé Ducon toute la première journée seul au parking, à l’entrée Ouest du parc, et on s’est fait une virée sur la fameuse « Going-to-the-Sun Road » en voiture de location !
L’affront…
Vous auriez dû le voir le pauvre, seul… abandonné par sa famille… comme un chien qu’on dégage de la bagnole quand on part en vacances, ou la belle-mère, quand on l’envoie à la maison de retraite parce qu’elle a un peu trop la tremblote… C’est affreux quand on y pense… surtout pour le chien !
Pour notre défense, on s’était renseigné avant et on avait appris que les véhicules « Format Ducon » n’étaient pas admis sur cette route, d’où cette cruelle décision de l’abandonner comme une merde pour un jour au rayon des laissés pour compte…
Le seul truc dont on ne s’était pas rendu compte, c’est que cette voie, pas encore totalement déneigée, ne pouvait nous emmener que jusqu’à « Avalanche Creek », c’est-à-dire l’endroit jusqu’où les camping-cars étaient encore tolérés !
En constatant cela, on s’est fait la promesse, avec Jess, de ne jamais dévoiler ce secret à Ducon, car là, les bras lui en seraient tombés illico, ou plutôt les pneus…
La route est effectivement très belle, on remonte « McDonald Creek », qui pète plutôt la forme pour un petit ruisseau !
Et puis donc, par la force des choses, tu dois t’arrêter à Avalanche… mais ne le dites jamais à Ducon !
Là, tu t’engages dans une randonnée de plus de trois kilomètres, à travers cascades et forêts, qui te conduit à « Avalanche Lake », destination finale de la balade…
C’est un endroit très apprécié, et l’on s’est vite aperçu que l’on n’était pas les premiers à venir y faire un petit tour, pour y découvrir les joies de la nature…
Après cette longue marche, durant laquelle Jeanne m’a fait étalage de ses nombreuses connaissances sur les chevaux, race que je ne peux plus sacquer tellement j’en ai entendu parler pendant plus d’une heure, nous sommes enfin arrivés au lac, sublime flaque cachée comme un trésor au milieu des montagnes.
On y a passé un long moment, à admirer le paysage, à tremper les pieds dans l’eau, et un peu plus pour Jack, couche comprise, et à observer les petites criques en face où, quelquefois, un ours vient se rafraîchir entre deux siestes.
Malheureusement pour nous, il n’est pas venu se donner en spectacle ce jour-là, mais ce ne sera que partie remise…
Une fois revenus du lac, et après avoir encore fait de jolies rencontres, dont une avec la plus petite pomme de pin du monde – car même dans ce sens-là, ce sont eux qui détiennent les records ! – nous avons repris la route vers la sortie du parc, et vers les retrouvailles avec Ducon.
Comme on s’en voulait un peu de l’avoir lâché toute la journée, et puisque ce n’est certainement pas une route enneigée qui va nous empêcher d’aller au bout de nos rêves – t’as vu comment je te cite du Jean-Jacques Goldman comme ça en passant ! – on s’est barré de l’autre côté du parc, en le contournant par le Sud, pour rejoindre le lendemain Saint Mary, terminus de la route qui mène au soleil.
On a dormi sur un bord de route, sans aucune appréhension des ours qui pourtant vivent à plusieurs dans le quartier. Mais on s’est dit que comme aucun n’était venu nous voir au bord du lac en pleine journée, il n’y a aucune raison qu’ils aient plus envie de se pointer pour frapper à notre porte à des heures pas possibles… Et puis ça ne se fait pas ce genre de chose…
Au petit matin, je suis sorti voir le jour se lever sur les montagnes, trop beau… Une frêle biche se promenait non loin de moi, à la recherche de son petit-déjeuner. Nous sommes restés ainsi à distance pendant quelques temps, nous observant mutuellement… Drôle de rencontre pour commencer la journée !
Puis le soleil a pris sa place doucement, changeant les couleurs, et faisant passer les cimes des montagnes du rose au jaune. C’était ensuite l’heure d’aller rejoindre la famille pour un bon café…
Puis le temps s’est gâté au fil de la journée, mais cela ne nous a pas empêché de profiter des belles vues du coin, notamment à « Many Glacier », où tu es totalement encerclé par les sommets.
Un petit tour du « Swiftcurrent Lake » pour finir, dont les montagnes se servent de miroir pour s’admirer. Au final, on ne sait plus où donner de la tête ici, ni dans quel sens la tourner…
Et vous savez quoi ? On a même vu tout au loin, au moment de quitter les lieux, un élan traverser le lac à la nage, avec une aisance déconcertante. Incroyable spectacle…
Jess s’est empressée d’enquêter ensuite sur ce phénomène, nous apprenant ainsi que ces bestiaux sont très à l’aise dans le domaine de la natation, et peuvent même rester jusqu’à une minute d’affilée sous l’eau pour partir à la recherche de plantes sous-marines, dont ils raffolent.
C’est vrai que c’est toujours une incroyable surprise de croiser comme ça un animal sauvage en pleine nature, vivant sa vie sans trop se préoccuper de nous. Car, contrairement à un zoo par exemple, il évolue sur son terrain ici, comme le Brésil en ce moment avec la Coupe du Monde, mais c’est pas ça le sujet. C’est donc lui le patron des lieux, pas comme l’équipe du Brésil jusqu’à maintenant, même s’ils vont bien évidemment monter en puissance au fil de la compétition, mais on n’est pas là pour parler football on a dit !
Alors si c’est ça ton truc, de partir à la recherche d’animaux sauvages dans les grands parcs américains, tu ne peux définitivement pas passer à côté de Yellowstone, dans le Wyoming… C’est la référence en la matière !
Rien qu’en deux jours et demi dans ce parc, on a croisé tout plein de wapitis, des bisons aussi, dont un s’est offert son heure de gloire en bloquant le trafic en plein dimanche, déclenchant l’hilarité chez nos enfants dans le camping-car.
C’est Ducon qui n’en menait pas large par contre, parce que jusqu’au dernier moment, il s’est demandé si cet animal, sur un coup de tête, et il est plutôt bien fourni à ce niveau, n’allait pas lui voler dans les plumes !
Finalement, il est passé à côté de nous, nous a gentiment salué d’un hochement de tête, et a continué sa marche solitaire, fermement décidé à provoquer le plus grand bouchon jamais enregistré ici depuis la grève de la faim entamée par son oncle au même endroit il y a quinze ans, protestant à l’époque contre le projet de construction d’un McDo dans le parc, qui ne verra heureusement jamais le jour par la suite… Le pauvre avait certainement dû flipper à l’idée que l’on intègre sur la future carte des menus une spécialité locale nommée McBison, ou un truc de ce style…
Mais le clou du spectacle a été sans aucun doute notre rencontre, à distance raisonnable je précise, avec un énorme grizzly qui rodait de l’autre côté d’une rivière que nous longions tranquillement…
C’est une masse ce bordel, le genre de rencontre à ne pas faire de trop près, surtout s’il est de mauvais poil…
Apparemment, ils foutent la raclée à tous les autres animaux, et c’est assez douloureux quand ça arrive… On a notamment entendu parler d’un loup qui aurait récemment pris une droite par le même genre de spécimen que celui qu’on a croisé, et qu’il a fallu abattre car il était trop amoché pour espérer s’en remettre un jour… Tu vois un peu le tableau !
Sinon, et comme je te le disais tout à l’heure, t’es pas emmerdé avec le foot ici, au cas où ce sport te dérange. Pas d’internet, donc tu ne peux pas regarder les résultats… Tu ne peux même pas appeler tes potes en France pour qu’ils t’informent des dernières nouvelles, le téléphone non plus ne passe pas !
Et puis t’es pas dans l’esprit de toute manière… T’as qu’à voir les terrains ici, c’est impraticable ! Non mais sans blague, comment veux-tu faire trois dribbles avec de telles conditions de jeu ? C’est juste impossible, même si tu fais appel à Platini, ou Pelé, qu’étaient pas des rigolos je vous signale !
Sans compter que tu sais pas trop ce que tu vas choper comme maladie, si tu fous les pieds là-dedans, parce que c’est bizarre quand même… Ça gigote dans tous les sens, ça fait des bulles, ça pue ! Même mes gosses, qui sont d’habitude très obéissants, ont refusé d’aller y faire quelques foulées lorsque je leur ai demandé ce service, t’as qu’à voir…
Tu sais ce que ça me rappelle comme ambiance ? Eh bien j’ai l’impression de me plonger à nouveau dans les vieux atlas que tu dévores des yeux quand tu es minot… Au départ, on te présente tout le temps le système solaire dans lequel on évolue, avec des images des copines de la Terre, j’entends Mars, Saturne, Jupiter, et le reste de la clique…
Elles ont des couleurs incroyables ces planètes, de quoi te créer un joli nuancier, et puis des bouts de croûtes à droite, et des cratères à gauche, exactement comme à Yellowstone…
Comme on est privé de ballon quand on déboule ici, on s’est dit qu’on allait se rattraper en allant se baigner, au « Grand Prismatic Spring », mais là aussi, le terrain ne semble pas vraiment adapté pour ce genre d’activité.
Parce qu’OK, c’est cool les sources chaudes, et très bon pour la peau paraît-il, mais là, si tu y vas, c’est du décapage assuré à mon avis!
Dommage, l’eau avait enfilé son joli manteau turquoise, ça donnait envie… et les plages avaient une belle couleur orangée, comme le sable fin où l’on se dore au soleil, serrés comme des sardines dans leur boîte, chaque mois d’août, sur les plages du monde entier…
Sauf qu’après vérification, on a appris que les différentes teintes du sol n’étaient que le résultat des divers microbes qui s’y installent et le colorent, certains aimant être au chaud, les bestioles oranges en l’occurrence, et d’autres préférant les climats plus tempérés, ceux qui sont gris par exemple…
À part ça ? Ben le moins que l’on puisse dire, c’est que Yellowstone a de gros gros problèmes de tuyauteries, dus à son âge certainement…
Il fuit de partout ce parc, offrant aux visiteurs comblés des éruptions de geysers en veux-tu en voilà, à tous les coins de rue…
Nous, on a eu la chance de voir celui de « Old Faithful » se mettre en activité, et c’est quand même assez délirant comme truc… Il porte ce nom, le « Vieux Fidèle », car il est extrêmement régulier dans ses apparitions. C’est un peu comme ces gens qui ont de vieilles habitudes bien à eux et ne bouleverseraient leur ordre, ni l’heure de leur exécution, pour rien au monde…
Donc, pour ce bon vieux « Old Faithful », qui n’a aucun lien de parenté avec Marianne, qui a deux « l », sinon elle aurait passé sa vie à tourner en rond ! – tu consultes carrément un panneau qui t’annonce à quelle heure aura lieu sa prochaine fuite, à dix minutes près. C’est fort tout de même… et plus fiable que les horaires de la SNCF !
Alors tu t’installes, tranquille, et tu attends… Il fume en permanence le geyser, comme Gainsbourg, mais quand l’événement tant attendu approche, le nuage s’épaissit, et de petits gargouillements se font entendre au loin. Et puis l’eau sort enfin, sauf qu’au départ, c’est pas bien violent. Tu te dis du coup que ce n’était pas la peine d’en faire toute une histoire de ce phénomène paraît-il extraordinaire, alors que ça ne t’impressionne pas plus que quand tu tires la chasse d’eau à la maison…
Mais au bout de quelques minutes, on passe à la vitesse supérieure, et là mes poteaux, ça dépote grave ! L’eau gicle à une vitesse hallucinante, on dirait un boulet de canon dont Cristiano Ronaldo a le secret quand il tire un coup franc, mais je ne vois vraiment pas pourquoi je pars dans de telles comparaisons, alors que la Coupe du Monde, je n’y pense absolument pas ici…
Et puis au bout de quelques minutes, sa colère diminue, le geyser se calme, tout doucement, comme si sa saute d’humeur était passée, et tout redevient normal et paisible…
Bon sang, quelle claque… on en reste bouche bée pendant un bon paquet de secondes, le temps de récupérer, et de compiler ce qui vient de se passer devant nos yeux…
On n’était pas au bout de nos surprises, car après avoir vu le plus célèbre geyser du monde, on allait avoir droit dans un deuxième temps au plus explosif du parc, « Beehive Geyser », qui se permet d’encore plus hautes envolées…
En plus, il est bien plus capricieux que son fidèle camarade et dégaine un peu au gré de ses envies, alors on est vraiment vernis d’avoir traîné dans le coin au bon moment ! Le seul détail que l’on n’avait pas prévu, c’est que des fois, le vent change de direction, et on a eu droit à une mémorable douche, sans avoir le temps d’aller nous mettre à l’abri ailleurs !
S’il n’avait que des fuites ce parc, ça irait… mais au niveau des gazes, il n’a rien à envier à personne non plus… Le plus impressionnant étant « Dragon’s Mouth », une grotte en constante activité, recrachant inlassablement d’énormes nuages de fumée, accompagnés d’angoissants bruits rappelant les cris du légendaire animal…
Sacré endroit que ce parc tout de même, le plus ancien des États-Unis, et l’un des plus grands aussi… et peut-être le plus beau.
De fracassantes cascades peuplent, elles aussi, les lieux, et c’est magnifique de les contempler, et les voir tracer leur chemin au milieu des immenses falaises. Tu les aperçois quand tu remontes le Grand Canyon de la rivière Yellowstone, où de sublimes points de vue sont accessibles pour les visiteurs. La nature dans toute sa splendeur…
Les magnifiques couleurs du Canyon sont le résultat de la rencontre entre les sources chaudes et la roche volcanique présente sur place, mais ce mélange tend aussi à affaiblir la roche au fil des siècles.
La « Yellowstone River » a vraiment trouvé le lit idéal pour faire sa route, et ça se sent qu’elle est heureuse ici, serpentant au milieu des montagnes, comme l’avait fait le plus grand joueur de tous les temps, Diego Maradona, au milieu d’un troupeau d’anglais impuissants lors du Mondial 1986 au Mexique, sur lequel je ne m’étendrai pas, puisque j’ai bien précisé que je ne parlerai pas de foot dans ce récit…
Pour continuer ton sevrage de ballon rond, file au Sud, en passant par Tower et Bridge Bay, d’autres très jolis coins de Yellowstone, pour aller rejoindre « Grand Teton », un autre parc national encore plus paumé, et dont le nom laisse rêveur…
On a roupillé dans le camping du parc, et je crois qu’il n’a pas cessé une minute de pleuvoir durant toute la nuit…
Heureusement, le lendemain matin, c’en était fini de la tempête, et malgré quelques nuages persistants, le temps était plutôt beau…
Il était donc grand temps de partir à la découverte de ce « Grand Teton », qui flirte tout de même avec les 13 770 pieds, soit environ 4 200 mètres ! T’imagines le morceau un peu…
Pour ceux que ça effraie trop, il y a cependant d’autres modèles, à savoir le « Middle Teton », le « nichon moyen » en français, qui lui se contente de 12 804 pieds, soit un 90B environ…
Et puis comme il en faut pour tous les goûts, vous avez le « South Téton », modèle plus petit, plus léger, mais sympa quand même, d’une hauteur tout de même respectable de 3 814 mètres.
Moi, je me suis dit que comme je ne serai là qu’une fois, j’allais opter pour le « Grand Teton », qui reste la spécialité locale quoi qu’on en dise… Mais malheureusement, les nuages n’ont jamais décidé de se faire définitivement la malle ce jour-là, et manque de bol, je n’en ai jamais vu la pointe !
Vous imaginez un peu ma frustration…
Alors certes, j’ai pu me consoler en allant récupérer quelques revues spécialisées au « Visitor Center », où l’on peut voir de très belles photos du « Grand Teton », sous tous les angles, et dans des positions on ne peut plus avantageuses parfois… Mais bon, c’est quand même mieux quand on le voit pour de vrai…
Bon, c’était quand même sympa comme parc, les bisons étaient de sortie, et puis les enfants se sont bien amusés, les deux plus âgés engrangeant une nouvelle distinction de Junior Ranger, dont ils ont largement dépassé la trentaine !
S’en sont suivis deux jours de route pour traverser le Wyoming, du Nord-Ouest au Sud-Est de l’État, en passant par Rock Springs, où nous avons passé une nuit au très luxueux Wal Mart Hotel.
Quand tu rejoins « Grand Teton » à Rock Springs, tu passes dans des endroits très haut perchés, et on a même réussi à se retrouver au milieu d’une énorme tempête de neige, à pas pouvoir y voir à plus de cinquante mètres. Un truc de dingues… En plus, le vent soufflait très fort, et Ducon se déportait dans tous les sens, essayant tant bien que mal de garder le cap…
Le lendemain, nous avons notamment fait une courte escale dans la petite ville de Rawlins, dont l’ancienne prison est devenue l’office de tourisme ! Accueillant comme bled, vous ne trouvez pas ?
Nous avons ensuite quitté le Wyoming pour retrouver le Colorado, qu’on avait brièvement fréquenté il y a quelques semaines maintenant, du côté de Mesa Verde…
Cette fois-ci, c’était à Denver que nous nous rendions, afin d’y retrouver Aline, notre copine de Paris, qui passait nous rendre visite après avoir fait un Salon à Las Vegas pour son boulot… Ben voyons ! Je pense plutôt qu’elle était partie, comme chaque année, claquer toutes ses économies pour essayer de décrocher le jackpot dans les salles de jeu de la célèbre cité du Nevada !
On s’est magné pour la retrouver à l’aéroport en milieu d’après-midi, tellement magné qu’on s’est engagé vers le parking des arrivées, sauf que Ducon était trop grand pour pouvoir y accéder, ce qui a fait que notre arrivée triomphale s’est transformée en marche arrière assez périlleuse !
Comme on avait que deux jours devant nous avec Aline, on est tout de suite passé à l’essentiel, en nous rendant directement au « Rocky Mountain National Park », à une heure et demie de bagnole de Denver.
Comme on voulait la recevoir au mieux, et avant de lui faire le coup des parkings de Wal Mart pour les deux nuits suivantes, on avait réservé un emplacement dans le camping du parc pour le premier soir, où l’on est arrivé pile pour l’heure de l’apéro.
C’était cool de se retrouver après tout ce temps, on a eu des nouvelles de Paris, des copains, et du niveau de jeu de l’équipe de France, dont Aline n’avait pas raté le premier match face au Honduras !
Le lendemain, on a attaqué la visite du parc par sa traversée d’Est en Ouest, pour en voir le plus possible.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça grimpe ici… C’est d’ailleurs à Rocky Mountain où l’on sera allé le plus haut dans ce voyage, la route atteignant son point le plus élevé à une altitude de 3 713 mètres !
Et qui est-ce qui nous a emmené tout là-haut, s’il vous plaît ? Sans choper le mal des montagnes, se jouant des pentes les plus abruptes avec une aisance exceptionnelle ? Ducon, bien évidemment !
Ducon, notre star, notre fidèle compagnon, même pas rancunier malgré la trahison de « Glacier National Park »… Ducon, sur le toit de « Rocky Mountain », au sommet de son art…
Au milieu des montagnes, des sapins et des gros cailloux, des marmottes bien dodues ont fait le spectacle devant nos yeux émerveillés… Pas farouches, les cocottes !
De l’autre côté du parc, on a fait un saut au « Holzwarth Historic Site », un ancien petit village genre « La petite Maison dans la Prairie », où tu peux essayer plein d’anciennes tenues typiques de l’époque, c’est à dire d’il y a 150 ans environ. Jeanne s’en est donnée à cœur joie, c’était pire qu’une virée aux Galeries Lafayette en période de soldes !
Et puis si tu as toujours rêvé de voir ta femme emmitouflée dans un grand manteau en peau de bête, c’est le moment ou jamais… et crois-moi, tu ne seras pas déçu !
Tout près d’ici se trouve la source de la « Colorado River », petit filet d’eau insignifiant qui prend plus loin de l’ampleur, traversant au final pas moins de sept États du pays !
On s’est dirigé ensuite un peu plus au Sud, pour rejoindre « Grand Lake », où un gentil trail nous attendait…
Sur la route, on a fait une drôle de rencontre avec une maman élan qui prenait son goûter sur les branches des arbustes environnants.
C’est cool d’en avoir vu un d’aussi près, car Jess en rêvait depuis le début du voyage, et jusqu’ici, on n’en avait vu qu’un seul… Vous vous rappelez, c’est celui qui faisait des longueurs dans un lac du parc « Glacier », dont je vous ai parlé tout à l’heure…
Pour la satisfaire totalement, il faudrait désormais qu’on arrive à croiser un « Big Horn Sheep », un mouflon en fait, avec des cornes en forme de tire-bouchon, pas facile à dégotter, mais dernière pièce manquante au puzzle des animaux qu’elle voulait absolument voir à l’état sauvage…
Ah…que les femmes sont exigeantes parfois…
Avant de nous engager sur le trail, nous sommes passés vite fait au Visitor Center, pour valider les diplômes de Junior Ranger de Jules et Jeanne, un grand grand moment de l’Histoire des États-Unis, dont Aline n’est pas prête de se remettre je pense…
Ce fut effectivement le grand cinoche au comptoir des Rangers, et c’est d’ailleurs la première fois que l’on assistait à ça…
Après avoir fait réciter à Jules son « pledge », la fameuse promesse qu’il sera un bon Junior Ranger toute sa vie, et même plus peut-être, le Ranger a subitement interpelé toute la foule présente dans la salle, soit deux personnes en plus de nous, pour faire l’éloge de notre enfant et de ses compétences, malgré le fait qu’il soit français, avec toutes les difficultés que cela devait engendrer à son avis…
Bon, déjà, mec, si tu fouines un peu plus dans les détails, il est franco-amerloque le p’tit gars, et puis de toute manière, on n’est pas plus con que vous, je te signale !
Bon, il faut juste se faire une raison en se disant qu’ils sont très protocolaires, et puis c’est tout… Ça nous promet un 4 juillet d’anthologie !
La balade sur laquelle on s’est engagé ensuite remonte la rivière « East Inlet », en passant par « Adam Falls », les cascades du coin…
On a poussé un peu plus loin la visite, sur les conseils d’un Ranger qu’on a croisé, carabine à la main, qui était quant à lui à la recherche d’une chèvre des montagnes qu’il voulait abattre, car elle était blessée. Heureusement ou pas pour elle, il ne l’a pas trouvée, et comme Jess l’a justement fait remarquer ensuite, c’était peut-être aussi bien que la nature fasse son travail toute seule, et puis comme ça au moins, t’es sûr que les autres animaux trouveront facilement quelque chose à becqueter l’heure du dîner venue…
On s’est arrêté un peu plus loin, surplombant une plaine au milieu de laquelle la rivière poursuivait son sinueux chemin. Bel endroit…
Il fallait après cela se tartiner tout le même trajet en sens inverse pour quitter le parc, afin de nous rapprocher le plus possible de Denver le soir même, vu qu’on avait prévu de visiter la ville le lendemain.
Ce qui est bien tombé, c’est que c’était juste l’heure où les animaux avaient décidé de s’offrir une petite sortie pour le dîner, surtout que c’était vendredi soir, et donc la semaine était terminée ! On en a bien profité du coup, et on s’est retrouvé en plein « Wapiti Land » au beau milieu des montagnes ! Trop cool…
Denver aussi est un endroit sympa à visiter. La rue principale du centre-ville est piétonne, et c’est donc très agréable de la remonter tranquillement, tout en découvrant les curiosités locales.
La musique est très présente ici, et tous les vélos-taxis sont équipés d’une petite sono qui fait défiler les plus grands hits du répertoire américain… et il y a matière !
Des pianos sont installés régulièrement tout au long de cette avenue, et chacun est libre de s’y installer pour régaler, ou casser selon leur niveau, les oreilles des passants.
Tout au bout, tu arrives au Civic Center Park, où un grand événement avait lieu ce week-end, à savoir la « Pride Fest », un peu l’équivalent de la « Gay Pride » chez nous.
On y a fait un petit saut, le temps que Jeanne se fasse dessiner le logo officiel de la manifestation sur la joue, et que Jess et Aline puissent fantasmer sur les beaux gosses qui traînaient dans le coin…
Ravissant, non ?
Plus tard, on est allé à « confluence Park », le « Denver Plage » du quartier, un petit coin au bord de l’eau où les enfants peuvent faire trempette, pendant que les amateurs de kayaks descendent la rivière à fond les gamelles…
C’est vraiment le rendez-vous des sportifs par ici, car on y croise aussi des skaters, des marathoniens, et des cyclistes en pleine action… mais toujours pas de footballeurs !
Toute cette dépense d’énergie nous avait donné faim, et nous avons fini la soirée dans un super Diner, le « Sam’s #3 », où Aline nous a gentiment invités, histoire de finir en beauté ces deux jours ensemble.
Margaritas, Burgers et frites, on n’a pas fait dans l’exotique, mais on s’est régalé, et l’endroit est vraiment typique !
Aline nous a dit au-revoir le lendemain matin, après avoir posé devant Ducon pour une photo souvenir, et avant de sauter dans l’avion qui allait, après une escale à Charlotte, la ramener près des siens dans le dix-huitième arrondissement de Paris.
De notre côté, on a encore un peu profité de Denver. On a voulu aller assister au défilé de la « Pride Fest », mais c’était la fin quand on est arrivé… On a tout de même eu le temps de croiser une fille en robe arc-en-ciel qui discutait avec un papillon… mignon tout plein !
J’ai aussi eu la preuve définitive que la Coupe du Monde de football laissait de marbre ce peuple, car en passant devant un écran géant, en plein centre-ville, qui diffusait en direct le match États-Unis face au Portugal, je n’ai compté que quatre personnes assistant à l’événement, dont une lui tournait carrément le dos, préférant discuter avec le mec qui tenait la buvette installée pour l’occasion, et dont le chiffre d‘affaire du jour n’allait pas casser des briques, sans être pessimiste…
Quand on a retrouvé Ducon, on a eu droit à la visite d’un type qui, depuis le jour précédent, était tombé amoureux de notre brave camping-car, et qui, après l’avoir regardé d’un œil la veille, avait décidé d’en jeter un autre, le deuxième donc, accompagné de sa femme cette fois-ci. Affaire à suivre… en temps voulu !
J’ai ensuite fait une petite photo de la station de pompiers qui se trouvait juste en face de nous, et puis on s’est dit qu’il était vraiment grand temps de dégager d’ici, avant que Jack ne se transforme définitivement en Elton John !
Ce soir-là, beaucoup plus tard, Jeanne a réclamé une chanson de Renaud, je ne sais plus laquelle, parce qu’on danse de temps en temps après le repas, histoire de digérer. Et du coup, j’ai voulu prendre de ses nouvelles au chanteur énervé, parce que ça faisait un bail que je n’avais pas entendu parler de lui…
Comme j’avais paumé son numéro de téléphone, j’ai fait une recherche sur Google, et j’ai vu qu’une compile à la con, dans laquelle plusieurs « artistes » reprennent ses plus grands tubes, avait vu le jour en ce début de mois de juin…
« La Bande à Renaud » qu’ils se font appeler ces crétins ! Tu parles… un troupeau de nazes qui n’ont trouvé que ça pour se faire leur promo à eux, ouais ! Et quel dommage qu’Hubert-Félix Thiéfaine fasse partie du lot quand même…
Tu veux que je te dise, s’ils étaient vraiment des potes de Renaud, ils lui auraient foutu un coup de santiag au cul pour qu’il se remette au turbin, mais ils n’auraient sûrement pas fait ce disque pourri que je n’écouterai jamais ! Ce dont ils peuvent être sûrs les Bénabar, Raphaël, et autre Nolwenn Leroy qui, à ce que j’ai lu, font partie de la liste, c’est que personne ne viendra écorcher leurs chefs d’œuvres quand leur carrière battra de l’aile, vu qu’ils s’en sont déjà chargés eux-mêmes ! Merde alors, ils le considèrent comme déjà mort, ou quoi ?
Bon, voilà, c’est passé… et je m’excuse auprès de ceux qui, parmi vous, ont dépensé leur fric pour acheter cette merde. Mais maintenant que vous l’avez écoutée, balancez moi ça à la poubelle, et allez acheter les vrais disques de Renaud !
Un des avantages d’être ici, c’est qu’au moins, on n’entend pas un seul de ces titres à la radio … Et puis pendant ce temps-là, on continue à en voir de belles choses…
Mais le truc qui me fait flipper, en plus de rater la Coupe du Monde, c’est cet inquiétant retour vers l’Est du pays… Mine de rien, ça pue la fin du voyage…
Et il n’y a pas que moi que ça emmerde, car je vois bien que Ducon n’est pas dans son assiette depuis quelques temps… Il faudrait être aveugle pour ne pas s’en apercevoir, et comme je le conduis, ça n’est pas le cas !
Mais qui ne serait pas mal-à-l’aise à sa place ? Je vous rappelle pour commencer le coup de poignard dans le dos, qu’il a reçu lorsqu’on a loué une caisse flambant neuve pour le remplacer à « Glacier National Park »…
Il nous a fait payer cet affront deux jours plus tard d’ailleurs, sur la route pour Yellowstone, où nous avons dû faire changer ses freins d’urgence dans le premier garage venu, et ce contre un sacré billet… Je pense que c’était sa façon à lui de prendre sa revanche, et l’on ne pouvait guère lui en vouloir…
Au moins, les enfants avaient bien rigolé pendant la réparation, car tout plein d’activités étaient mises à leur disposition pour passer le temps.
Mais s’il n’y avait eu que ça pour notre pauvre Ducon, peut-être que tout se serait arrangé tranquillement… Seulement, ce ne fut pas tout, et la goutte d’huile qui a fait déborder le réservoir, c’est quand il nous a vu placarder des affiches « For Sale » sur la vitre arrière. Là, je crois que ça a été le pompon !
Alors j’ai essayé de lui expliquer le truc… qu’on ne pouvait pas le ramener en France avec nous, que cette décision était déchirante pour nous aussi, et qu’il fallait bien qu’on anticipe, vu qu’il ne restait que quelques semaines de voyage…
Il le savait depuis le début tout ça d’ailleurs, mais comment voulez-vous bien prendre les choses dans ce cas ? Il a gueulé Ducon… Remarque, tu te vois toi, à défiler devant les collègues, avec une pancarte « À Vendre », collée à ton cul ? Alors oui, je sais que certains en font leur métier, et il n’y a pas de sous-métier, mais ont-ils vraiment le choix pour la plupart ?
Puis au bout d’un moment, il m’a même dit : « Non, mais vas au bout de tes idées mon gars… T’as qu’à me foutre en vente sur ebay, pendant que tu y es ! »
Là, je n’ai même plus pu soutenir son regard, j’ai fixé mes grolles, comme un idiot, et forcément il a deviné…
Pour finir… pour me finir, il m’a dit que de toute façon, quand on appelle quelqu’un Ducon, c’est qu’on n’a que très peu de considération pour lui, et puis il a fait demi-tour, ou marche arrière, je sais plus… J‘étais trop sous le choc pour dire ou faire quoi que ce soit…
Moi, j’aime bien Ducon comme petit nom pourtant…
C’est pas facile vous savez, et je ne vous souhaite pas de prendre un jour la réalité en pleine face comme ça dans votre existence, parce que ça laisse des traces…
Et je n’ai même pas un petit Brésil-Cameroun à me mettre sous la dent pour me changer les idées…
Enfin bon, ne vous inquiétez pas pour moi, je suis tout ça de loin tant bien que mal malgré tout, et puis je vous annonce que c’est l’Argentine qui va la ramener cette coupe, parce qu’ils ont le meilleur joueur du monde avec eux, parce qu’ils ne sont pas du genre à faire la grève dans un bus pour un pet de travers, et parce que j’ai toujours leur maillot dans ma garde-robe, même au fin fond du pays qui n’aime pas le foot…